• Lettre ouverte à Mme. Alliot-Marie.


    La France – grande donneuse de leçons en Chine, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Hongrie etc.. – est devenue humiliante pour tous les français au regard de son silence incommensurable et coupable sur les violences monstrueuses et mortelles qui se déroulent en Tunisie depuis un mois franc.

    La langue de bois va jusqu’à vous conduire mardi dernier devant les députés, en votre qualité de ministre française des Affaires étrangères à déclarer que la France refusait de se poser en "donneur de leçons" après avoir tristement expliqué la veille qu’elle aiderait le gouvernement tunisien à utiliser davantage de techniques sécuritaires françaises pour aider à mieux gérer ces désordres publiques.

    Que penser d’un tel discours au regard de notre Constitution et des valeurs de notre République ?

    Même Barack Obama et son administration sont bien plus critiques que la France depuis une semaine à l’égard de M. Ben Ali, qui n’est rien d’autre qu’un homme mercantile qui aura passionnément verrouillé les grands flux monétaires de son pays à une « frontière familiale » et à un entourage pour le moins des plus corrompus bien connu des banques européennes depuis 23 ans (que devions-nous attendre d’ailleurs d’un ancien général aussi ambigu).

    AccueilPersonnellement, je dois vous dire que j’ai vraiment honte de la représentativité politique et institutionnelle de mon pays ce soir et je trouve que notre république est tombée dans l’ombre. Je suis choqué du silence qui porte à conséquence de nombreux responsables politiques de droite comme de gauche, même si les centristes s’élèvent davantage; au final l’exécutif en place est totalement trempé dans la promiscuité la plus totale et cela est insupportable, assez incroyable, assez invraisemblable. Jamais M. Kouchner n’aurait supporté votre attitude Madame la Ministre, ni celle du gouvernement sur ces événements dont je rappelle qu’ils font des morts au quotidien, des morts de gamins éduqués, pareil à nos enfants et qui sont nos voisins, évoluant entre misère, censure et « no future » dans un pays où la croissance est supérieure à 3%, dans un pays dont le 1er investisseur est européen, dans un pays qui revend du pétrole, du gaz, de l’agriculture, du tourisme, de immobilier flanqué de nombreux promoteurs français, de médecins français en tous genres (chirurgie esthétique, thalasso & compagnie), de chantiers BTP, etc...

    Dans un pays où les syndicats autonomes n’ont pas lieu d’exister, où la presse est muselée, où la censure s’opère sur différents moyens de communication bien connus en ligne, où les champs de connaissance littéraires, philosophiques et culturels sont très orientés, où l’armée tire directement à vue sur des jeunes hommes comme des lièvres, où le chômage est officieusement de 30 % et non de 14%, où le recensement de la population carcérale demeure à discrétion des autorités locales, il n’y a aujourd'hui pas d’autres alternatives que de rechercher à provoquer des solutions pour faire changer le pouvoir en place vers une coalition visant un modèle de social-démocratie pour ce pays méditéranéen dont l'axe Nord-Sud est aussi un des objectifs ratés de la politique étrangère de l'Elysée qui préside le G20 et le G8 (à se demander si c'est bien le cas vu le silence régnant).

    Dans le cas contraire oui Madame Alliot-Marie vous verrez que vous obtiendrez ce que vous redoutiez et d’ailleurs davantage les autorités américaines que vous qui demeurent plus objectifves sur ce sujet: un embrasement triple, une société en feu comme en Irlande du Nord pour des années avec cette fois une pénétration forte de l’islamisme radical qui sera fortement justifiée pour répondre à l'échec de Ben Ali et qui propagera des actions terroristes contre une armée  qui demeurera corrompue et en état de guerre civile. Est-ce là l’ambition que le gouvernement français porterait pour le peuple tunisien ? Sûrement pas.

    On ne demande pas à la France d’aller en Tunisie mais d’imposer par l’Europe unie les règles de droit internationales en médiateur de poids pour que M. Ben Ali - déjà réélu 5 fois à 98 % des voix (sic !) -  cesse immédiatement d'ouvrir le feu sur des civils et s’en aille enfin, sous la pression européenne et internationale, en douceur, avec un gouvernement de transition et la promesse d'élections dignes et où surtout il ne se représentera pas, au beau milieu de casques bleus pour l’occasion, bref, vous savez, un peu comme celles que vous défendez tout simplement pour un certain M. Ouattara Madame la Ministre.

    AccueilN’est-ce pas vous Madame la Ministre qui vous êtes révoltée et indignée en décembre dernier contre la condamnation du cinéaste iranien Jafar Panahi à six ans de détention et vingt ans d’interdiction d’exercer son activité de création et celle de Mohammad Rasoulof, un autre réalisateur, également très sévèrement et injustement condamné, et qui en novembre 2010 se félicitait des mesures de la Convention Internationale pour la Protection des Personne contre les disparitions forcées, opposable aux États parties, comme "crime contre l’humanité" qui interdit les lieux de détention secrets et renforce les garanties de procédure entourant la mise en détention, ouvrant aux familles et aux proches un droit à connaître la vérité sur le sort des victimes.

    Je vous cite Madame la Ministre lors de la journée mondiale des Droits de l’Homme le 10 décembre dernier :

    (Paris, 10 décembre 2010) « Depuis 60 ans, la journée des droits de l’Homme est l’occasion de réaffirmer nos valeurs. Elle est aussi l’occasion de dresser un bilan de la situation des droits de l’Homme dans le monde et de mesurer le chemin qui reste à parcourir pour assurer le respect des libertés fondamentales dans tous les pays. Elle est cette année particulièrement dédiée aux défenseurs de ces droits. Depuis toujours, la France est engagée dans la défense et la promotion de ces valeurs qui fondent son unité nationale, et qui sont aussi aujourd’hui celles de l’Union européenne. La promotion des droits de l’Homme continuera d’être l’un des axes majeurs de notre diplomatie. En ce jour de remise du prix Nobel de la paix, je renouvelle l’appel de la France à la libération de tous ceux qui, de par le monde, sont privés de liberté pour avoir défendu les droits de l’Homme. Je salue également la mémoire de ceux qui ont perdu la vie dans ce combat. ».

    Ne pensez-vous pas qu’il serait grand temps – pendant que ces jeunes se font tuer -d’assumer plus sérieusement vos propos avec la dignité qu’oblige votre fonction ou bien de renoncer alors à votre charge si vous êtes sous des contraintes déclaratives permanentes qui ne sont pas de votre fait et qui proviennent par exemple de Matignon ou de l’Elysée ?

    L'indépendance récente de la Tunisie n'est pas un motif valable pour justifier la dérive autoritaire, la corruption, la faillite du système politique au pouvoir depuis 23 ans où l'on cherche perpétuellement à discréditer les droits de l'homme, les droits à l'information (chaîne Al Jazieera), les libertés individuelles, et où l'on déplore en ce moment des feux nourris sur des jeunes  civils qui crient à la misère et leur espoir de pouvoir vivre dans un Etat libre.

    Vous ne sauriez Madame la Ministre des affaires étrangères camper plus longtemps sur aucune autre position aussi douteuse et illégitime que celle de vouloir renflouer la technicité du savoir-faire des forces de l'ordre de  la Tunisie comme réponse à l'appel lancé par le peuple tunisien qui se meurt sans compter la mort par balle d'un chercheur franço-tunisien.

    Prendre position n'est pas une ingérence Madame la Ministre et pour l'héritage gaulliste dont votre famille politique se revendique c'est même un devoir.


    Michel Gauthier

    Un citoyen français.


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  • Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, un jeune chômeur qui avait recours à la vente ambulante de fruits et légumes pour vivre et nourrir sa famille s’immole par le feu après la confiscation de sa marchandise par la police municipale tunisienne.
    La région s’embrase, la petite ville rurale du centre ouest de la Tunisie jusque là ignorée de tous fait rapidement le tour de la toile. L’étincelle prend vite, très vite, gagnant en l’espace de quelques jours plusieurs villes, du nord au sud du pays.
    Depuis, bravant l’interdit, de nombreux manifestants sont descendus dans la rue pour crier leur raz le bol d’un système gangrené par le clientélisme, la corruption et n’offrant aucune perspective d’avenir. Ensemble, jeunes, vieux, chômeurs, travailleurs, avocats, étudiants, lycéens se sont insurgés contre un régime où la répression règne depuis plus de deux décennies.

    AccueilSidi Bouzid n’est en réalité que le symptôme d’une révolution manquée. Elle est une mèche allumée par le désespoir d’un homme mais tout autant une brèche dans un système où d’ordinaire, rien ne filtre.
    Sidi-Bouzid devient alors le symbole d’une révolution qui cherche désormais, un nouveau nom.

    Joli nom pour une révolution

    C’est par la « La révolution des jasmins », ainsi joliment nommée que s’est faite la prise de pouvoir du 7 novembre 1987 par le général Ben Ali, devenant par ses propres ordres, président.

    Par là, il entendait marquer la rupture avec un régime chancelant et dont les émeutes à répétition liées à l’inflation des prix mais aussi et surtout à une page de l’histoire qui tardait à se tourner, avaient fini de précipiter l’agonie.
    Bourguiba affaibli, malade (certains disaient même, sénile) ? vive Ben-Ali !

    Que la douceur du jasmin, symbole de ce doux pays de moins de 11 millions d’habitants, ait pu conduire une révolution et asseoir enfin la démocratie, nul doute ?

    Que cette révolution tant vantée, « exemplaire » aux yeux de nombres de gouvernements occidentaux pour son absence de violence et d’effusion de sang. Certes, elle forçait l’admiration et venait renforcer la sympathie dans l’alliance contre l’islamisme. Que cette révolution devait permettre donc au plus paisible pays du monde arabe de couler des jours heureux, nul doute ?

    Que depuis le 7 novembre 1987 la Tunisie ait été gouvernée vingt trois années durant sous la maxime chère à Abraham Lincoln : « par le peuple et pour le peuple », nul doute aussi ?

    C’est en tous cas ce qu’a réussi à vendre pendant tout ce temps, le régime Ben Ali malgré les appels d’air de La presse étrangère. Et, en premier lieu à ses amis de l’autre rive de la Méditerranée.

    - De la violation répétée des droits humains aux tortures, sévices et enlèvements à répétitions, que nenni.

    - D’une presse muselée sans couleurs ni échos se contentant dans un style feutré et monocorde de rapporter au quotidien les moindres faits et gestes du monarque, que nenni.

    - D’un régime politique n’admettant aucun parti d’opposition ou voix dissidente et qui d’élection en élection continuait de s’arroger les pleins pouvoirs dans des scores rocambolesques ne descendant pas au dessous des 97%, que nenni.

    La Tunisie renforcée par un boum économique essentiellement impulsé par le tourisme et l’industrie textile où la main d’œuvre bon marché attire la convoitise des grandes enseignes étrangères pouvait ainsi se targuer d’un « vive la modernité ! »

    Mais, depuis le malheureux épisode du 17 décembre dernier, où un homme, Mohamed Bouazizi, âgé d’une vingtaine d’année seulement, marqué dans sa chair par la blessure et l’humiliation se fait sans le vouloir, l’écho de la souffrance et de l’indignation de tout un peuple, le masque est tombé.

    A présent, les affrontements entre policiers et manifestants se poursuivent et s’amplifient.

    Tour à tour, Sidi Bouzid, Djerba, Gabès, Sfax, Thala, Sousse rejoignent le mouvement. Sousse et Jendoubba où des avocats sont molestés en plein cœur du palais de justice pour avoir osé soutenir les habitants de Sidi Bouzid et dénoncer le pouvoir en place, déplorable image, symbole d’une amère réalité.

    Tunis, la capitale quant à elle où tout début d’insurrection, rassemblement ou rumeurs de manifestations est tué dans l’œuf, réprimée par une descente sans précédent dans les rues des forces de l’ordre, reste jusqu’alors une forteresse intouchable. Les journalistes tunisiens mis hors d’état de nuire depuis des années, sont dès le début des évènements de Sidi Bouzid, les premières victimes collatérales.

    Placés sur écoute, pistés, leurs moindre faits et gestes sont épiés. Ainsi, interpellations, arrestations, humiliations se sont succédé durant ces deux semaines à leur encontre.

    Avec de telles pratiques, l’information qui a le plus grand mal à circuler par les réseaux classiques prend un détour sans précédent.

    Facebook, une fenêtre dans une prison

    La jeunesse, elle, a bel et bien décidé de ne plus se taire.
    Outre les manifestations spontanées malgré les risques encourus où les slogans les plus improbables sont scandés à l’encontre du régime en place, de la belle famille du président accusée de piller le pays, la bataille de l’information fait rage sur le net.

    Entre l’ATI (agence tunisienne de l’internet) régie par le gouvernement, selon les utilisateurs tunisiens de facebook et les internautes, c’est un véritable jeu du chat et de la souris qui se met alors en place.

    Après la censure de plusieurs sites et réseaux sociaux tels que youtube, dailymotion ou twitter, facebook reste la seule fenêtre pour communiquer sur le territoire et à l’extérieur.

    Ainsi, le 3 janvier, jour de rentrée scolaire et universitaire, un appel à la grève et à la désobéissance civile est lancé via facebook à plus de 10 000 jeunes.

    La contestation se poursuit dans plusieurs villes : Tunis, Sidi Bouzid, Sfax, Gafsa, Grombalia, Bizerte ; Sousse et Thala où des heurts ont lieu dans ces deux villes entre manifestants et forces de l’ordre.

    Thala, autre ville rurale du nord ouest de la Tunisie, autre oubliée des régimes Bourguiba et Ben Ali, privée, punie du fameux boum économique pour s’être jadis rebellée, ne compte plus, non plus ses diplômés chômeurs.

    Dans le bassin minier de Gafsa où des émeutes sur fond de chômage ont éclatés il y a trois ans, on ne décolère pas.
    Les anciens prisonniers arrêtés suite à ces évènements puis relâchés un an plus tard grondent.

    Réunis lundi 3 janvier au siège de l’Union générale des travailleurs tunisiens de Redeyef, ils demandent leur réintégration dans la fonction publique, des solutions contre le chômage et la libération des jeunes de la ville récemment arrêtés.

    Au printemps 2008, le pouvoir avait réussi à contenir le mouvement populaire du bassin minier de Gafsa dans la région en bloquant l’information.

    Cette fois-ci, grâce à Internet et Facebook en particulier, en peu de temps plusieurs villes se sont rapidement jointes au mouvement.
    Mais, certains comptes et sites font l’objet d’une véritable chasse à l’homme par l’ATI bloquant certains, piratant d’autres.
    Usant de bricolages, de subterfuges divers et surtout bravant la peur de la répression et ses conséquences, les blogueurs et utilisateurs de facebook tunisiens ont malgré tout réussi en utilisant des proxy (outil permettant de masquer les traces de sa connexion) à contourner le blackout sur l’information.

    Des internautes tunisiens seraient même allé jusqu’à lancer une campagne internationale auprès de blogueurs étrangers afin d’aider les jeunes tunisiens à pirater les sites officiels du gouvernement.
    Le groupe de Hakers, Anonymous connu pour son soutien à Wikileaks, ses actions contre l’église de scientologie et le piratage du site gouvernemental du Zimbabwe a entendu la demande des tunisiens et s’est dit prêt à les aider.

    La censure sur le net en Tunisie a aussi un nom, surnommée Ammar par les tunisiens, elle s’attaque aux « cyber activistes ».
    Confronté donc aux contestations de la rue, à la blogosphère, au succès de Facebook mais également aux Anonymous, le Big brother tunisien ne sachant plus où donner de la tête bloque de manière intempestive, compulsive blogs et autres comptes Facebook.
    Face à cette montée en puissance d’une contestation qui refuse désormais de cacher son nom, RSF publie aujourd’hui un communiqué dénonçant le renforcement de la censure en Tunisie.

    Dans ce contexte, une zone d’ombre demeure néanmoins prégnante.
    Bien que toutes ces informations soient disponibles depuis plusieurs jours sur le net, nos médias, réputés libres de toutes entraves ont attendu plus de deux semaines pour couvrir les évènements en Tunisie. Une situation pourtant tout aussi grave et cruciale que ce qui se passe en Côte d’Ivoire ou en Biélorussie.
    Un silence pour le moins éloquent.

    Alors que Mohamed Bouazizi, le jeune vendeur de fruits et légumes à la sauvette de Sidi Bouzid s’est éteint mardi 4 janvier des suites de ses blessures, les tunisiens continuent de se débattre sur le net et dans la rue comme de pauvres diables.

    Ce que les médias français ont qualifiés d’"incidents", "heurts", "émeutes", "troubles isolés", traités comme épiphénomènes, sont peut-être justement après plus de vingt années de censure et de répression, l’annonce d’une ère nouvelle.

    C’est l’avenir qui le dira. En attendant, la lutte se poursuit bel et bien, les avocats tunisiens ont lancé un appel à la grève pour le jeudi 6 janvier.

    D’ores et déjà, une chose est sûre, la peur semble avoir changé de camp.

    Source : Tania Rougemidi.org/Tunisie


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  • Procureur Général NADAL

    On le sait, le prochain caprice la prochaine réforme présidentielle en matière de justice portera sur la présence de jurés populaires dans les juridictions correctionnelles, un projet de loi devant être présenté avant la fin de l’année.

    La suppression du juge d’instruction n’ayant pu aboutir, du fait notamment de l’opposition d’un certain nombre de députés, et de l’irruption dans le débat national de multiples dossiers où les juges d’instruction n’étaient plus présentés comme des schizophrènes irresponsables, mais bien comme des garants d’une enquête plus indépendante que celle menée par un magistrat du Parquet non membre de l’autorité judiciaire[1], il s’agit de démontrer une fois de plus que la réforme de la Justice est une impérieuse nécessité.

    Alors voilà ressorti le nouveau serpent de mer du rapprochement-du-peuple-avec-sa-justice.

    Cette antienne avait déjà été mise en avant par Jacques Chirac en 2002 suite à une promesse de campagne électorale. Les sages du Palais du Luxembourg avaient pu indiquer lors de la discussion du texte qu’il suffisait d’un peu de bon sens pour être magistrat. En outre, la multiplication des “citoyens-juges” permettait de rapprocher humainement mais aussi localement le justiciable de “sa” justice. Il semblerait cependant que la sagesse de la Haute Assemblée ait été mise à l’épreuve de la pratique, car le nombre de recrutement des juges de proximité n’a jamais atteint le quota fixé (environ 600 juges de proximité en 2008, contre 7 000 prévus initialement), et les dysfonctionnements ont en outre été suffisamment nombreux pour que le gouvernement actuel envisage sérieusement leur suppression. En outre, la proximité géographique a été mise à mal par la réforme de la carte judiciaire, dont on sait que les tribunaux d’instance ont payé le plus lourd tribut.

    Le flux et le reflux des réformes gouvernementales, dans la plus grande incohérence, s’est aussi remarqué avec le projet de juin 2010 de supprimer les jurés des Cour d’Assises, au moins en première instance. Quelques mois plus tard, il semble cependant urgent d’introduire les jurés non professionnels devant les juridictions correctionnelles. En première instance…

    S’il n’y a pas dans la magistrature d’opposition de principe à la participation des citoyens aux décisions de justice, il n’en reste pas moins que des difficultés matérielles vont se faire jour, si la réforme passe sans préparation ni étude d’impact. Les Cours d’Assises, qui siègent théoriquement une fois par trimestre, ont le plus grand mal à constituer les listes de jurés. Beaucoup de concitoyens, que la lourdeur de la tâche effraie, préfèrent se faire porter pâle. D’autres mettent en avant qu’il ne peuvent pas se permettre de quitter leur travail pour trois semaines ou plus, particulièrement lorsqu’ils travaillent à leur compte.

    Le nouveau système devra prévoir la possibilité de faire participer les citoyens non pas quelques semaines par an, mais toutes les semaines, voire tous les jours dans les plus grosses juridictions, où les audiences correctionnelles sont quotidiennes. Certes, le gouvernement semble envisager de limiter leur intervention au infractions punies de 10 ans d’emprisonnement. Mais où est la logique, dans tout cela ? Si les citoyens doivent concourir à la justice correctionnelle, pourquoi limiter cette intervention aux infractions les plus graves ? Comme les crimes ?

    L’argumentaire selon lequel la justice ne serait pas une affaire de spécialistes est, quant à lui, tout aussi faux qu’humiliant. Les magistrats font au minimum quatre années d’études pour se présenter au concours de l’ENM. Ils suivent ensuite une formation de 31 mois, tant théorique que pratique, sanctionnée par un concours de sortie. Tout cela pour exercer un métier qui ne nécessite aucune compétence particulière ? Dans ce cas, permettons aux citoyens d’exercer au moins partiellement les fonctions de chirurgien, d’avocat ou de garagiste. L’appropriation par les citoyens de ces métiers parfois décriés permettra d’éviter à l’avenir des critiques récurrentes. Qu’il me soit cependant permis de choisir le professionnel auquel je m’adresse, ce qui n’est malheureusement pas possible pour les magistrats.

    Je me permets à ce titre de faire également humblement remarquer au Chef suprême des Parquetiers que tenter de démontrer par les exemples des tribunaux de commerces et des conseils de prud’hommes que la justice n’est pas affaire de spécialistes est à mon sens assez hasardeux. Les magistrats qui siègent dans ces juridictions ne sont certes pas nommés pour leurs compétences juridiques en droit commercial et en droit social, mais élus parce qu’ils ont des connaissances professionnelles particulières dans les matières qui les concernent. Faudra-t-il dès lors nommer uniquement des criminels ou des victimes pour siéger en Cour d’Assises ?

    Enfin, lorsque le Garde des Sceaux, dans la droite ligne du président de la République, voit d’un bon œil la présence de citoyens (on va finir par croire que les magistrats n’en sont pas) pour les décisions de libération conditionnelle, puisqu’”Il est tout à fait normal qu’il y ait aussi des assesseurs qui soient prévus pour certains aménagements (..) particulièrement lourds”, on se demande où nos politiques vont chercher tout cela. Peut-être dans les lois déjà existantes ?

    Je n’ose y croire. Ce serait la porte ouverte sous des prétextes populistes et/ou électoralistes (rayez la mention inutile) à des amendements visant à faire appliquer des dispositions que l’on trouve déjà dans notre législation, comme les articles 221-11 et 222-48 du Code Pénal, par exemple.

    Nécessairement il faudra réviser le statut des procureurs de la République dont l'indépédance est inexistente avec le gouvernement ou plutôt le chef de l'état actuel (il faut que le procureur soit rendu indépendant, donc, notamment que sa carrière ne dépende plus du pouvoir et il est une condition impérative : que l'on soit assuré que le dépôt d'une plainte puisse entraîner une enquête sans que cette enquête puisse être étouffée par qui que ce soit) tout comme celui même du Garde des Sceaux qui devra être également investi(e) par l'Assemblée Nationale voir le Congrès; améliorer les services électroniques des services de Greffe de chaque Cour de justice, réformer la garde à vue (explosive depuis deux ans) et réduire les délais de traitement des dossiers autrement que par la décision d'un procureur au service d'un gouvernement. Les priorités des parquets se doivent d'être fixées par la loi et non au gré des personnes parachutées et en fonction des régions ! Une bonne justice, plus sereine est le gage d'une démocratie plus forte, plus vivante et plus équitable.

    Je reste donc optimiste, malgré le réalisme certain des déclarations du Procureur Général de la Cour de Cassation vendredi dernier et vous souhaite une excellente année 2011, même pré-électorale[2].

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    Notes

    [1] il semble en effet qu’il puisse y avoir dans ces deux dossiers quelques légers risques d’interférence entre un procureur en liaison directe avec le gouvernement, et un dossier où un ministre est directement mis en cause, et un autre dossier où une secrétaire d’État à la Santé, qui a travaillé pendant dix ans pour trois laboratoires pharmaceutiques différents, risque d’être fort intéressée par le dossier en cours.

    [2] Tous mes voeux égalements aux lecteurs de ce blog, cela va sans dire, mais va mieux en le disant


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  • Pas mal comme démarche car ces voeux constituent le premier post de ce nouveau blog !
    Aussi pour ceux qui le découvre, je vous souhaite une très bonne année 2011 sans omettre ceux que je formule à notre société française qui je pense en a bien besoin.

    Bonne année 2011


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